Qui est Eugène Dabit ?

Eugène Dabit

Eugène Dabit

Eugène Dabit est un écrivain français né en 1898 et décédé en 1936.

Il a fait partie du groupe de la littérature prolétarienne et a eu un très grand succès pour son recueil de nouvelles Hôtel du Nord qui fut couronné du Prix du roman populiste et porté à l’écran en 1938 par Marcel Carné, avec les acteurs Arletty et Louis Jouvet. Il a entretenu une très intéressante correspondance avec Roger Martin du Gard.

Eugène Dabit voit le jour le 21 septembre 1898 à Mers-les-Bains (Somme), il vécut une enfance heureuse auprès de ses parents, de simples ouvriers petit-bourgeois vivant à Paris.

Son enfance fut un peu ballotée par trois déménagements successifs de ses parents, nécessités par leur métier, en l’espace de six ans jusqu’en 1903.

Sa scolarité, d’abord ennuyeuse pour lui, fut heureusement récompensée, plus tard, par un prix d’excellence avec bonne conduite puis se termina, en 1911, par un certificat d’études primaires, qui restera son seul diplôme, assorti d’une médaille ‘’ Prix du 14 juillet 1911 ’’.

Reconnu doué pour le dessin, il fut, en 1912, apprenti-serrurier chez les « Compagnons du Devoir », dont le chef est un certain Monsieur Bernard. Mais la guerre de 1914 interrompit brutalement ses études et son apprentissage.

Son père étant engagé d’office comme réserviste dans le Génie militaire, Eugène dut pourvoir aux besoins financiers de sa mère, avec qui il vécut, en travaillant dans le métro de Paris : laveur-balayeur de wagons au ‘’Nord-Sud’’ le jour, portier d’ascenseur durant une partie de la nuit à la station ‘’Lamarck-Caulaincourt’’.

Trop jeune pour le service militaire, il attendit d’être incorporé dans sa classe 1918 mais prit les devants pour entrer, en décembre 1916, dans l’artillerie lourde. Il connut alors un moment de dépression, simulant la folie puis, profitant d’une permission, s’échappa pour rejoindre Paris où il fit une tentative de suicide, se blessant une jambe sans gravité, dans le métro.

Remis de ses blessures, il réintégra l’artillerie lourde, et fut envoyé en opérations dans la région de Reims, dans le tragique secteur du ‘’Chemin des Dames’’.

Sa blessure parisienne le fait muter comme radio-télégraphiste de l’armée, réparant parfois les lignes sous les bombardements.

Après la fin de la guerre, il vécut avec les troupes d’occupation en Allemagne puis revint à Paris travailler comme secrétaire-dessinateur au Service de Cartographie de l’Armée.

Enfin démobilisé en 1919, il préféra étudier l’art de la peinture à l’Académie Billoul en 1920 et 1921, faisant alors la connaissance de nouveaux camarades : Christian Caillard et Georges-André Klein. Grâce à ces derniers, Eugène se plongea pour la première fois dans la lecture de livres de littérature : Baudelaire, Rimbaud, Stendhal, Gide.

En 1922, Eugène, aidé par ses parents, entreprit de se lancer dans l’industrie de la soie peinte avec son ami et associé Christian Caillard. Grâce à une amie de ce dernier, Irène Champigny, propriétaire et gérante d’une galerie d’art, le commerce tourna vite au succès, leur faisant ainsi gagner une petite fortune.

En 1923-1924, Eugène poursuivit ses études artistiques à l’Académie de la Grande Chaumière où il rencontra notamment Béatrice Appia, dont il devint le préféré, et Maurice Loutreuil. Avec ce dernier comme chef de file, Christian Caillard, Béatrice Appia et d’autres, Eugène fit partie du « Groupe du Pré-Saint Gervais », école dans laquelle la peinture est pour eux un passionnant sujet de discussions et d’essais.

En 1923, grâce en partie à la fortune amassée par la vente de soie peinte et à des prêts consentis par deux oncles d’Eugène : Émile et Auguste Hildenfinger, les parents d’Eugène devinrent propriétaires de l’« Hôtel du Nord », sis au 102 quai de Jemmapes à Paris (10ème) au bord du Canal Saint Martin et s’y installèrent en tant que gérants.

Affiche du film Hôtel du Nord

Affiche du film Hôtel du Nord

Eugène, logé chez eux se fit, parfois, portier de nuit, observant les gens à leur passage, ce qui l’inspira pour ses futurs romans.

En 1924, Eugène se maria avec Béatrice Appia.

A partir de 1928, de retour d’un voyage au Maroc et lassé de voir les gens peu ou pas intéressés par sa peinture, Eugène entreprit de devenir écrivain et se trouva une nouvelle muse : Véra Braun, d’origine hongroise, dessinatrice et artiste-peintre de Paris. Dabit, ainsi taxé d’infidélité conjugale, d’ailleurs difficilement supportée par sa femme, frôla le divorce à deux reprises pour ensuite se résigner finalement à la séparation temporaire.

En 1931, il obtint le Prix du roman populiste, d’une valeur de cinq mille francs de l’époque, pour son roman ‘’Hôtel du Nord’’. A partir de cette année, il commença à militer pour la cause des pauvres gens et pour la littérature « révolutionnaire » en participant à des débats et en faisant des conférences.

En 1932, il bénéficia d’une bourse de la Fondation Blumenthal, fondation américaine pour la pensée et l’art français, d’un montant de vingt mille francs de l’époque. La même année, l’Association des écrivains et des artistes révolutionnaires étant créée, il s’y inscrivit en tant que membre actif et y rencontrera d’illustres personnalités du monde artistique et littéraire avec lesquels il sera souvent en relation amicale.

Autoportrait d'Eugène Dabit 1936

Autoportrait d’Eugène Dabit 1936

En 1936, sur invitation d’André Gide, Eugène Dabit effectue un voyage à caractère littéraire en compagnie des membres de son groupe : André Gide en tant que chef, Jef Last, Louis Guilloux, Jacques Schiffrin et Pierre Herbart. A sa mort survenue inopinément le 21 Août 1936 à Sébastopol (Crimée d’U.R.S.S.), il ne laissa aucune postérité.

Eugène Dabit repose aujourd’hui auprès de ses parents au cimetière du Père-Lachaise dans la 44e division..

Actualités

5 mai 2025

> Clémentine Mélois reçoit le prix 2025… alors c’est bien

 

 

Clémentine Mélois est lauréate du prix 2025 pour son roman Alors c’est bien (L’Arbalète, Gallimard, 2024). L’autrice propose avec ce ré

cit une œuvre d’une grande sensibilité qui a ému et convaincu les membres du jury, emportant une décision finale résumée par l’un des jurés : « Ce livre donne envie de vivre ». E

t si la mort ne pouvait être qu’une fête ? Et la fin le début d’un recommencement ? Le pari de Clémentine Mélois est tenu pour rendre hommage à son père dans la préparation de brillantes et lumineuses obsèques. Le jour de fête est génialement bricolé, partagé avec l’entourage du disparu, les gens du village. Il est célébré dans un cérémonial pensé jusque dans ses moindres détails par le défunt lui-même et où l’art conservera toujours le maître-mot pour supplanter les douleurs du deuil et transporter l’artiste dans un au-delà bien terrestre, celui de nos mémoires.

Le 30 avril 2025, à L’Hôtel du Nord, en présence des amis du prix, du jury, de Daniel Picouly parrain de l’année, de Gilles Marchand et de Violaine Schwarz ancien.nes lauréat.es, Hugo Boris, membre du jury, a prononcé un hommage qui exprimait bien ce que fut l’émotion du jury à la lecture de l’ouvrage de Clémentine Mélois. Il le résumait en ces mots :

« Clémentine Mélois, j’ai une confession à vous faire.Je déteste m’habiller, c’est le drame de ma vie. Je n’ai pas de goût, je m’habille toujours un peu de la même façon. J’ai un vestiaire fruste. Je tourne sur 3 ou 4 vêtements, toujours les mêmes.Mais ce matin, grâce à vous, c’était facile : je savais que je voulais porter du bleu. Je vous demande pardon, j’avais pas beaucoup de choix. Mais j’ai pris le bleu qui me paraissait le plus proche du bleu RAL 5002 dans le système de codification des couleurs, le bleu dit outre-mer, le bleu plaque de rue, celui du tablier de la laitière de Vermeer, celui du manteau de la vierge,celui du plafond de la Sainte-Chapelle, celui qu’on appellera bientôt le bleu « Bernard Mélois »

Bernard Mélois, c’est votre père, sculpteur né en 1939 et mort en 2023. Un homme modeste, qui ne faisait pas de concessions à l’argent, au capitalisme, au monde marchand, que vous avez enterré comme un pharaon.dans un cercueil que vous avez peint de ce fameux bleu. Dans un cercueil où vous avez glissé des objets du quotidien comme les pharaons qui étaient enterrés avec des objets du quotidien destinés à l’au-delà. Dans son cas : un chalumeau et des galettes bretonnes.

En vérité, vous ne lui avez pas confectionné 1, mais 2 tombeaux. Il y a ce fameux cercueil, mais il y a aussi ce livre que nous célébrons ce soir, le vôtre, qui est aussi un tombeau. Au sens où il appartient au « genre » du tombeau, tombeau qui peut être poétique ou musical, écrit à une ou plusieurs mains, et qui rend hommage à un disparu.

Et quel hommage ! Vous écrivez que votre famille est « inapte au malheur ». Votre livre est à l’image de cette inaptitude. Vous parvenez à nous parler de la mort sans tristesse, sans nous faire de clef de bras pour forcer notre émotion, sans sensiblerie ni racolage. Si bien que ce but que vous feignez de dédaigner, vous l’atteignez : vous nous émouvez.

J’ai questionné mes camarades du prix pour savoir ce qui, eux, leur avait tant plu. Permettez-moi de vous lire quelques mots choisis :

« Je comparerais à une chanson guitare-voix ou piano-voix, évidente, qui sonne comme un classique à la première écoute, mais dont la solidité a été travaillée pendant des heures. Pour parvenir à cette pseudo évidence, il a fallu en éviter des écueils, faire mille choix, trouver le fil très fin sur lequel on joue à l’équilibriste. Ça veut dire ne pas se perdre, ne pas se laisser aller à raconter tout et n’importe quoi… Ça veut dire que chaque phrase est sur le bon fil, maitrisée, pensée, solide pour ne pas que ça bascule. Ça veut dire aussi éviter les effets de manche, ne pas se laisser happer par la virtuosité, même si on en est capable, ne pas chercher à en mettre plein la vue, ne pas sur-écrire – ce qui est, en soi, en ce qui me concerne, et vu tout ce que je lis, une force immense. »

« C’est un livre tendre, c’est un livre qui dit l’amour possible, y compris en famille, et c’est à contre-courant. » Alors c’est bien.

« C’est un livre qui parle des artistes comme de travailleurs, et même de travailleurs acharnés, et ça, ça nous sort des poncifs hérités du XIXème siècle, l’artiste maudit, l’artiste génial, le poitrinaire frappé par la foudre. » Alors c’est bien.

Alors que ce livre parle de la mort de bout en bout, il y souffle un vent de joie et de liberté, il baigne dans la lumière. Vous avez réussi ce petit miracle de commettre un livre qui parle de la mort et qui nous aide à vivre.

Alors merci, Clémentine Mélois. »

 

24 mars 2025

> La deuxième sélection du prix Eugène Dabit
du roman populiste 2025

Le jury du prix Eugène Dabit du roman populiste a retenu cinq romans en deuxième sélection :

Christian Astolfi, L’Œil de la perdrix (Le bruit du monde)

Sophie Brocas, Le Lit clos (Mialet-Barrault)

Jérôme Chantreau, L’Affaire de la rue Transnonain (La Tribu)

Jean-Marc Fontaine, Trois fois la mort de Samuel Ka (Globe)

Clémentine Mélois, Alors c’est bien (L’Arbalète, Gallimard)

Voilà une nouvelle fois ce que la littérature peut offrir de plus convaincant quand elle s’attache à décrire sensiblement des parcours oubliés, méconnus, enfouis, mais exceptionnels, et à faire vivre ou ressusciter des personnages authentiques. 
Le peuple n’est pas ici seulement décor, il est pour ces plumes acérées la sève inspirante qui forge leurs récits.

La complicité des cultures entre deux rives méditerranéennes, les oripeaux du courageux combat des sardinières mené il y a un siècle en pays breton, la mitraille vengeresse des gardiens de l’ordre monarchiste en lisière de Marais, la mécanique de l’embrasement d’une cité, la force bouleversante et créatrice du deuil, ces thèmes sont brillamment illustrés, soutenus par le talent singulier des autrices et auteurs sélectionnés.

C’est encore l’engagement du prix Eugène Dabit du roman populiste qui s’exprime dans cette sélection : soutenir la qualité de l’écrit lorsqu’il sert une littérature inventive, de conviction et d’humanité.

  • La désignation de la lauréate ou du lauréat est prévue le 2 avril 2025. Elle sera communiquée ce même jour.
  • La cérémonie de remise du prix 2025, parrainée par l’écrivain Daniel Picouly, ancien lauréat du prix, se déroulera le 30 avril à 17 h 30 à l’Hôtel du Nord.
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