Histoire du prix populiste

Inspiré par le mouvement populiste russe né dans les années 1870 de la volonté de jeunes étudiants qui choisissaient d’abandonner leurs universités pour aller partager leurs connaissances avec les paysans et les artisans, le prix du Roman populiste a été créé par André Lemonnier et André Thérive en 1929 pour récompenser une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité ».

Décerné pour la première fois en 1931 à Eugène Dabit pour son célèbre L’Hôtel du Nord, le Prix Populiste a suivi le manifeste qu’André Thérive et Léon Lemonnier consacrèrent, en 1929, à ce nouveau courant littéraire. Ce manifeste fut écrit en réaction contre une littérature bourgeoise prenant pour cadre unique les sphères les plus fortunées de la société française, privilégiant l’analyse psychologique et les élans nombrilistes au détriment de la subtile relation des faits les plus quotidiens, les plus concrets, ceux d’une vie réelle, drue et vigoureuse.

« Nous en avons assez des personnages chics et de la littérature snob; nous voulons peindre le peuple. Mais avant tout, ce que nous prétendons faire, c’est étudier attentivement la réalité. Nous nous opposons, en un certain sens, aux naturalistes. Leur langue est démodée et il convient de n’imiter ni les néologismes bizarres de certains d’entre eux, ni leur façon d’utiliser le vocabulaire et l’argot de tous les métiers. Nous ne voulons point non plus nous embarrasser de ces doctrines sociales qui tendent à déformer les œuvres littéraires. Il reste deux choses. D’abord de la hardiesse dans le choix des sujets : ne pas fuir un certain cynisme sans apprêt et une certaine trivialité –j’ose le mot– de bon goût. Et, surtout, en finir avec les personnages du beau monde, les pécores qui n’ont d’autre occupation que se mettre du rouge, les oisifs qui cherchent à pratiquer des vices soi-disant élégants. Nous voulons aller aux petites gens, aux gens médiocres qui sont la masse de la société et dont la vie, elle aussi, compte des drames. Nous sommes donc quelques-uns bien décidés à nous grouper autour d’André Thérive, sous le nom de “romanciers populistes”. Le mot, nous l’avons dit, doit être pris dans un sens large. Nous voulons peindre le peuple, mais nous avons surtout l’ambition d’étudier attentivement la réalité. Et nous sommes sûrs de prolonger ainsi la grande tradition du roman français, celle qui dédaigna toujours les acrobaties prétentieuses, pour faire simple et vrai.» Léon Lemonnier, L’Œuvre, août 1929.

«Le peuple plus le style», une formule tout aussi lapidaire qu’essentielle et qui a su réunir au travers du Prix Populiste des auteurs aussi prestigieux que Jules Romains (1932), Henri Troyat (1935), Jean-Paul Sartre (1940), Louis Guilloux (1942), René Fallet (1950) et, plus près de nous, Jean-Pierre Chabrol, Bernard Clavel, Clément Lépidis, Raymond Jean, Leila Sebbar, Louis Nucera ou encore Olivier Adam.

En octobre 2012, Le Prix populiste prend le nom de « Prix Eugène Dabit du roman populiste », en hommage et pour faire référence à son premier lauréat. Cette évolution réaffirme sa fidélité à une longue histoire et à des valeurs de progrès tout en revendiquant sa filiation à un genre littéraire qui place le peuple, sa vie, ses espoirs et ses combats au cœur de son écriture. Elle permet également à ce Prix de se démarquer des manipulations sémantiques qui ont détourné le sens du joli mot de populisme pour désigner le plus souvent des postures politiciennes démagogiques.

Actualités

19 avril 2023

> Gilles Marchand remporte le prix 2023

Portrait de Gilles Marchand a Paris le 17 aout 2022 Photo : Philippe Matsas

Le jury du prix Eugène Dabit du roman populiste a désigné le 19 avril Gilles Marchand lauréat du prix 2023 pour son roman Le Soldat désaccordé (Aux forges de Vulcain, juillet 2022).

Le soldat désaccordé, de Gilles Marchand est un roman puissant aux multiples registres. L’enquête autour d’une disparition, sur fond de Guerre de 14, s’étale sur 40 ans. Elle est menée par un poilu qui a perdu sa main, son amour et ses rêves et qui se fait détective pour enquêter sur un autre amour déchiré entre France et Alsace, entre classes opposées, entre front et hôpitaux. La richesse documentaire foisonnante du roman ranime ces milliers de vies perdues ou gâchées tandis qu’un subtil emboîtage amoureux trouve son émouvant nuage au ras des horreurs de la guerre.

Le style, tendu, repose sur une multitude de références poétiques, littéraires, musicales, historiques et politiques qui finissent de nourrir cette magnifique épopée romanesque dans l’entre-deux-guerres. Un roman calibré pour notre prix qui réunit brillamment « le peuple et le style »

16 avril 2023

> Quatre romans en deuxième sélection du prix 2023

 

Le jury du prix Eugène Dabit du roman populiste a choisi de retenir quatre romans en deuxième sélection 2023 :

Leila Bouherrafa, Tu mérites un pays (Allary)

Diaty Diallo, Deux secondes d’air qui brûle (Le Seuil)

Gilles Marchand, Le soldat désaccordé (Aux forges de Vulcain)

Colin Niel, Darwyne (Le Rouergue)

Pour leur étonnante qualité d’écriture, pour leur ancrage dans les univers du peuple, d’ici ou d’ailleurs, d’hier ou d’aujourd’hui, chacun de ces quatre romans mérite grâce à son originalité, ses couleurs, son rythme et sa narration de recevoir cette année le prix Eugène Dabit du roman populiste.

Quatre romans et non cinq comme habituellement… La raison en est que les trois suivants, Christian Astolfi, Joseph Incardona et Marie-Hélène Lafon se sont retrouvés à égalité en cinquième position et que nous ne souhaitions pas étendre cette deuxième sélection à sept romans. Mais il va de soi que ces trois auteurs méritent pour leur talent et leurs superbes romans les mêmes éloges.

La désignation de la lauréate ou du lauréat aura lieu le 19 avril 2023 dans l’après-midi.

La cérémonie de remise du prix 2023 est prévue le 3 mai à 18 heures à l’Hôtel du Nord sous le parrainage, cette année, de l’écrivain Gérard Mordillat.

La dotation du prix Eugène Dabit du roman populiste est de 3 000 €.

Toutes les Actualités